Billet d’humeur du Président « Nous y sommes ! »
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C’est aujourd’hui l’inauguration de la « Place Santé » et la fête de la santé du quartier. Ce sont deux évènements profondément liés. Le centre de santé du quartier Franc Moisin / Bel Air se nourrit telles les racines d’un arbre, de la vie du quartier notamment des besoins de santé de la population. Nous n’avons pas porté ce projet pour permettre seulement à de nouveaux soignants de venir travailler sur le quartier, nous avons construit ce projet pour que ces nouveaux soignants viennent poursuivre notre travail en continuant à porter ses valeurs et son ambition d’améliorer la santé des habitants. Je ne ferai pas tout l’historique de ce projet mais l’essentiel.
Sachez que tout a commencé au début des années 80, quand deux jeunes médecins utopistes ont voulu vivre leur exercice professionnel avec la volonté de transformer le soin en santé pour et avec la population. La chance qu’ils ont eu c’est de rencontrer sur leur chemin d’autres acteurs du soin, des élus, des institutions qui les ont soutenus même si ce soutien était parfois dubitatif devant tant de hargne à vouloir changer les choses, particulièrement la manière de faire de la médecine au sein d’un quartier populaire . En 1986 une recherche action initiée par la municipalité à conduit à un travail de réflexion sur comment améliorer la santé des habitants du quartier. Ce travail a apporté des réponses à nos interrogations mais surtout il a montré que la santé communautaire avait à faire avec notre projet. En 1992 naissait l’Association Communautaire Santé Bien Etre, le fruit de cette opiniâtreté à vouloir faire de la santé autrement. Appuyer fortement sur nos valeurs du faire ensemble, de l’action collective avec nos nombreux partenaires la municipalité, l’hôpital, le CMP, le CMPP, la PMI et bien d’autres nous avons conjugué ensemble le médical, le social, le psychologique. Et dès le début des habitants du quartier se sont engagés dans cette aventure. Cette association n’a pas cessé d’innover non pas parce qu’elle aime cela mais parce que notre souci principal c’est d’être en phase avec les réalités que vivent les habitants, dont chacun ici sait qu’elles sont celles d’une population la plus victime des inégalités sociales de santé puisque une grande partie de ces habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Nous avons appris par la force des choses à faire face à l’exclusion des soins, à faire face à la misère sociale. Nous pouvons être fier d’avoir aidé les personnes à reconquérir leurs droits, d’avoir accompagné vers l’insertion des femmes des hommes qui accablés par la souffrance s’enfermait dans un fatalisme destructeur. Pour réaliser ce travail nous avons inventé comme d’autre l’on fait ailleurs, le métier de médiatrice, nous avons développé la musicothérapie ; nous avons trouvé des femmes exceptionnelles pour conduire ces missions, nous avons rencontré des jeunes médecins déterminés et enthousiastes, nous avons osé marier le social et le médical et nous sommes heureux de cette union, qui va continuer de vivre au sein de la « Place Santé ».
Nous sommes aussi, et si je ne le dis pas aujourd’hui, je serai un impardonnable imbécile, pris dans une contradiction invraisemblable. Notre travail de promotion de la santé auprès d’une population précaire est notre quotidien, nous demandons aux institutions de nous aider à nous financer pour accompagner cette population pour qu’elle trouve sa place dans la société. Des choix politiques sont faits pour que justement ces institutions répondent à nos sollicitations et si cela n’était pas le cas nous ne serions pas là aujourd’hui pour inaugurer la place santé. Mais alors pourquoi d’autres choix politiques portés par certaines de ces institutions qui nous soutiennent fabriquent en même temps des lois qui aggravent les conditions de vie des ces habitants et les replongent encore davantage dans la misère transformant alors notre travail en un inlassable recommencement. Nous n’avons pas vocation à devenir une association humanitaire en Zone Urbaine Sensible mais nous avons comme ambition de faire vivre dans notre cité les valeurs de fraternité, liberté et d’égalité.
Cette précarité est aussi la notre car comment continuer à faire vivre l’association, et donc La Place Santé, quand nous ne savons pas aujourd’hui quel sera le devenir du dispositif des adultes relais pourtant indispensable à la poursuite de notre travail. Il faut inscrire ces postes de travail dans le droit commun et la pérennité.
Cette confrontation à l’absurdité de cette société qui maltraite une partie de sa population qui tend à opposer les uns aux autres, nous la vivons avec les autres associations du quartier comme la ludothèque « les enfants du jeu » ou l’association des femmes des Francs Moisins, l’association l’AMA … Le travail associatif c’est notre carburant c’est ce qui nous permet de faire et de ne pas céder au désenchantement alors s’il vous plait à vous qui agissez pour la politique de la ville il faut soutenir en ces temps de restrictions budgétaire les associations qui tissent chaque jour ce lien social indispensable au vivre ensemble.
Vous entendez donc chers amis que cette « Place Santé » sera bien plus qu’un lieu de soin, un lieu social. Elle sera un lieu pour construire avec les habitants du quartier les nouvelles modalités du soin avec le travail collectif dans les ateliers comme celui de l’estime de soi , du groupe marche, des repas bien être ensemble, avec la musicothérapie, l’éducation thérapeutique, de la pause café, de l’atelier de formation aux démarches administratives; nous allons proposer une véritable santé communautaire . Les consultations médicales seront elles aussi traversées par cette volonté de faire de chaque malade un sujet acteur de sa santé, non pas de façon autoritaire, cela n’a pas de sens mais dans le respect des différentes identités différentes, et surtout dans la volonté de faire ensemble pour faire reculer ce défaitisme qui est à la source de mal être si présent ici.
Notre projet est ambitieux il s’appuie sur 20 ans d’expérience de l’ACSBE et 32 ans d’expériences de la pratique de la médecine générale dans un quartier populaire , avec tout cela nous devrions réussir non pas tant pour montrer à tous que cela est possible d’adapter la pratique de la santé aux réalités du quartier, non pas tant pour participer à la transformation de l’organisation de l’offre de soins, non pas tant pour démontrer que social et médecine peuvent s’aimer, mais surtout pour montrer que la population des Francs Moisins à besoin de cela. Cette population qui possède une richesse extraordinaire sur laquelle nous bâtissons « la Place Santé » c’est la richesse de la solidarité. Habitants du quartier, vous avez votre place dans ce projet il faudra nous aider à réussir. Des habitants du quartier participent au CHUC comité habitants usager citoyens, ils ont contribué à la réalisation de la Place Santé, c’est important que chaque habitant du quartier considère ce lieu comme un bien commun.
Nos partenariats avec les institutions, que sont la municipalité de Saint Denis, l’ARS, l’ACSE, le CRIF, le CG, Plaine Commune Habitat, les fondations comme la fondation Macif, Vinci, fondation de France mais aussi la femasif, la ffmps, le CNCS et tous les autres car j’ai dû en oublier, ne doivent pas s’arrêter le jour de l’inauguration de la place santé car ce qui se joue ici aujourd’hui sera peut être, et je l’espère, l’expression de l’offre de santé de demain.
Demain vous viendrez consulter nos jeunes médecins comme vous l’avez fait avec alain et moi et les autres soignants, du quartier vous partagerez vos soucis, vos peines, vos misères vos envies, vos joies avec eux, ils seront comme nous avons essayé de l’être vos médecins de famille, de ces médecins qui ne lâchent jamais la main du malade.
Bientôt nous allons, un certain nombre d’entre nous quitter la cité, ce que nous avons vécu avec vous est d’une telle richesse que nous partirons avec une énergie suffisante pour affronter la retraite. Ce n’est pas encore un adieu mais permettez moi aujourd’hui de vous dire à l’équipe de l’association, à nos partenaires institutionnels et à vous habitants du quartier qu’être médecin aux Francs Moisins qu’être président de l’ACSBE c’est non seulement une chance, c’est aussi un bonheur, alors encore merci à toutes et à tous.
Didier Ménard