Nouvelle rentrée, nouveau souffle
- Nouvelle rentrée, nouvelle équipe gouvernementale, mais toujours les mêmes problèmes.
- Comment faire évoluer le système de l’offre de soins pour l’adapter aux réalités nouvelles ?
- Comment faire comprendre aux soignants que cette évolution nécessaire impose des transformations qui ne doivent pas être des pénalisations mais qui, au contraire facilite la création de nouveaux avantages ?
Vous avez dit parcours de santé ?
- Il semblerait qu’à l’aune de ce changement politique, les institutions qui gèrent le système de santé ont moins de scrupules à vouloir transformer le système de l’offre de soins.
- De là à le changer en un système de santé, nous n’y sommes pas encore. Mais l’idée que cette transformation pourrait se faire grâce au parcours de soins fait son chemin. Certains parlent donc de parcours de santé et d’autres encore plus téméraires parlent de parcours de vie. Oh ! Là ! Là ! Que d’audace !!!
Pour nous qui sommes depuis fort longtemps les « petites mains » du parcours de santé, nous sommes tout excités. Si ce que nous construisons suscitait de l’intérêt, nous ne bouderions pas notre plaisir. Qu’avons nous à proposer ?
Le parcours de santé c’est la mobilisation des acteurs de la santé situés sur l’itinéraire d’une personne malade. Cette mobilisation se fait sur la connaissance des savoirs faire existant : c’est la coordination pluri-professionnelle, c’est le mariage du médical et du social, c’est la construction partagée d’un projet thérapeutique, ce sont les coopérations pluri-professionnelles sans hiérarchie de valeurs, c’est la participation de la personne pour être acteur de sa santé. Ce sont toutes ces actions qui deviennent nécessaires lorsque la situation de la personne malade est complexe et pour nous, presque toutes les situations tendent vers la complexité.
Nous ne sommes pas arrivés à ces pratiques professionnelles par un raisonnement théorique, mais parce que la réalité des personnes vivant en zones urbaines sensibles le requiert.
Alors nous avons construit un interface entre le système social et la population, avec la médiation santé conduite par les médiatrices.
Nous avons une approche du soins qui ne dépossède pas la personne de sa participation à son traitement ; nous avons les ateliers collectifs de la santé communautaire pour tisser le lien social, ingrédient nécessaire au mieux être et donc à une meilleure santé ; nous avons une médecine humaniste qui respecte la personne dans toutes ses dimensions ; nous avons la volonté de satisfaire des besoins de santé qui sont atteignables par cette manière d’agir. Cela n’est jamais simple, mais cela fonctionne.
Certes c’est perfectible, l’outil informatique de suivi du parcours de santé est à rendre plus efficace, les coordinations sont toujours difficiles, car remettant en cause les savoirs faire, la crainte de la perte d’autonomie professionnelle est légitime, le regard de l’autre sur sa pratique est déstabilisante, le doute est omniprésent, mais de tout cela nous avons appris à en faire des atouts. Face à ces difficultés, nous fortifions le sens qui fait que nos métiers sont indispensables à l’amélioration de la santé des populations, donc nous contribuons, à notre petite échelle, à construire du « bonheur » et c’est déjà bien.
Alors, si s’ouvre une période où les institutions de la santé veulent bien nous accompagner dans cette façon de faire, nous sommes prêts.
Didier Ménard
Président de l’Acsbe-La Place Santé
Médecin généraliste
Osons faire autrement !
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Voilà six mois que la Place Santé est ouverte. Le travail s’organise, la « montée en charge » se déroule comme prévu, nous pouvons être content mais … il faut faire attention à rester dans le projet.
Notre ambition de se réduit pas à organiser la continuité de l’offre de santé sur le quartier, même si cela est déjà un sacré défi. Nous voulons aussi participer aux transformations qui se dessinent actuellement dans la réorganisation du système de santé. Notre projet se nourrit d’un diagnostic de santé effectué sur le territoire, ceci n’est pas fréquent et pourtant cela devrait être indispensable pour tous les projets de santé. Notre action médico-psycho-sociale s’inscrit dans une approche populationnelle de la santé, là aussi c’est relativement nouveau en France.
Le mariage du social, du médical, du culturel se réalise dans une dynamique de santé communautaire; c’est à dire avec l’implication de la population.
Nous participons avec les élus et « l’atelier santé ville » au Contrat Local de Santé, signé avec l’Agence Régionale de Santé, ce qui est une véritable innovation.
Les soins tentent de s’inscrire dans une médecine de parcours de la personne qui est devenue indispensable pour faire face aux poly-pathologies associées aux maladies chroniques.
Voilà quatre considérations qui sont les piliers de notre projet et qui sont aujourd’hui les leviers de la transformation du système de santé.
Alors nous revendiquons d’en être.
D’Être associé aux recherches, aux débats, aux expérimentations qui donnent de la visibilité à tous ces changements.
La place des médecins, des médiatrices, de la musicothérapeute et de toute l’équipe est dans ce mouvement de transformation qui n’est pas seulement un mouvement de redéfinition de l’exercice de la médecine mais qui est aussi, je le pense, un mouvement de transformation social de progrès.
Didier Ménard
Président de l’Acsbe-La Place Santé
Médecin généraliste
Billet d’humeur du Président…
- Parfois nous courons après les transformations pour
adapter nos pratiques professionnelles
- aux nouvelles façons de vivre et d’être malade.
- Parfois nous sommes en avance et nous tentons de « tirer » les autres dans notre sillage.
A la « Place Santé » nous revendiquons d’être en avance dans la manière d’aborder et d’essayer de résoudre certains problèmes. La lutte contre les inégalités territoriales de santé est un de ces « problèmes ». La population qui fréquente le centre de santé est porteuse de presque tous les critères qui définissent la précarité.
Nous devons donc savoir accueillir cette population avec empathie : le problème d’argent n’est jamais un obstacle aux soins.
Nous devons conduire la consultation avec le souci d’apporter la meilleure réponse – en vérifiant à chaque instant que cela est faisable pour la personne malade –, nous devons décrypter les causes de la souffrance et de la maladie, nous devons faire la part de ce qui est médical et social et nous devons demander à la médiatrice d’aider la personne pour son problème social, tout comme celle ci demande au médecin d’intervenir quand la maladie rend difficile le parcours social.
Nous développons le principe selon lequel l’action collective est le meilleur moyen de lutter contre l’isolement et le fatalisme : nos ateliers remplissent cette fonction.
Nous pensons que la participation des habitants est indispensable pour que notre projet reste ancré dans nos valeurs et dans la réalité de la cité. Tout cela, nous le faisons pour être au plus près des conditions de vie des habitants du quartier ; et cette manière de faire constitue le combat quotidien contre les inégalités sociales de santé.
Mais cela est toujours insuffisant. Car si en produisant cette médecine psycho-sociale nous n’osons pas interroger le système de protection sociale et d’offre de soins sur sa production d’inégalités, alors nous ne marchons que sur un pied et chacun sait que cela conduit le plus souvent à la chute.
Il est légitime pour nous de porter sur le champ du débat public la question des ISS (inégalités sociales de santé), d’interpeller les femmes et hommes politiques sur leurs responsabilités dans l’aggravation de l’exclusion sociale.
Il est normal de prendre notre part du fardeau pour lutter contre tous les facteurs qui, sur un territoire, fabriquent avec obstination les inégalités : celles du logement, celles de la précarité du travail, celles de la difficulté d’accéder aux droits sociaux chaque jour rognés dans leurs accessibilités.
C’est pour cela que nous participons, ici et là, au débat public sur l’exclusion sociale, sur les discriminations dont sont victimes les habitants de la cité… Nous sommes dans notre rôle à la tribune de réunions publiques et nous espérons toujours convaincre plus de soignants de s’engager dans la défense des droits des malades.
Didier Ménard
Président de l’Acsbe-La Place Santé
Médecin généraliste